La théorie polyvagale, développée par Stephen Porges, révolutionne notre compréhension des émotions et du système nerveux autonome.
Elle nous apprend que nos réactions émotionnelles ne sont pas des “faiblesses de caractère”, mais des réponses physiologiques automatiques à la perception (souvent inconsciente) de danger.
Mais ce que mes clientes découvrent, c’est que le véritable enjeu n’est pas de “gérer” ses émotions — c’est de réguler son système nerveux.
Et, plus profondément encore, de le rééduquer, pour qu’il retrouve sa capacité naturelle d’auto-régulation.
Dans cet article, nous allons explorer la théorie polyvagale, comprendre son lien avec les traumas, la sécurité et l’attachement, et surtout, comment passer d’un système nerveux réactif à un système nerveux apaisé, mature et autonome.
1. Qu’est-ce que la théorie polyvagale ?
La théorie polyvagale (souvent appelée TPV) est une approche de la psychologie et de la neurobiologie développée par Stephen W. Porges.
Elle décrit comment notre système nerveux autonome influence notre comportement, nos émotions et notre capacité à nous sentir en sécurité ou en danger.
Contrairement à l’ancienne vision binaire du système nerveux (sympathique = action, parasympathique = repos), Porges a montré que le système est bien plus complexe.
Il se compose de trois circuits principaux, hiérarchiques :
- le ventral vagal : associé à la sécurité, la connexion sociale, la communication ;
- le sympathique : mobilise l’énergie pour fuir ou combattre ;
- le dorsal vagal : déclenche le figement ou la dissociation en cas de menace extrême.
Ainsi, selon la théorie polyvagale, nos émotions et comportements dépendent d’abord de l’état physiologique de notre système nerveux.
2. Stephen Porges : le fondateur de la théorie
Stephen Porges, professeur de psychiatrie et chercheur en neurobiologie, a proposé la théorie polyvagale dans les années 1990.
Son intuition : le nerf vague (ou vagus nerve) joue un rôle central dans nos réactions émotionnelles et sociales.
En étudiant les mammifères, Porges a montré que notre cerveau social s’appuie sur un réseau de voies neurales qui nous permettent de percevoir la sécurité chez l’autre (voix douce, regard, sourire).
C’est le concept de neuroception : la capacité du corps à détecter inconsciemment la sécurité ou la menace, sans intervention du mental.
Cette découverte a transformé la manière dont la psychologie comprend les traumatismes, les troubles émotionnels et les difficultés relationnelles.
3. Les fondements neurophysiologiques des émotions
La théorie polyvagale repose sur une idée clé : nos émotions ne naissent pas dans la tête, mais dans le corps.
Ce sont des signaux physiologiques du système nerveux autonome qui traduisent notre degré de sécurité ou de menace.
Quand le système détecte la sécurité (via la neuroception), le circuit ventral vagal s’active : le visage s’adoucit, la respiration ralentit, la voix se pose, et l’on peut communiquer et ressentir du calme.
Mais si le corps perçoit une menace, il bascule :
- d’abord dans le système sympathique : agitation, tension, peur, colère ;
- puis, si la menace persiste, dans le dorsal vagal : figement, fatigue, dissociation.
Nos émotions sont donc le reflet de ces états nerveux, et la clé du bien-être émotionnel se trouve dans la régulation du système nerveux.
4. La neuroception : quand le corps détecte avant le mental
La neuroception, concept central de Porges, désigne cette fonction inconsciente du corps à détecter la sécurité ou le danger.
Ce processus automatique déclenche une cascade physiologique avant même que nous ayons “pensé” quoi que ce soit.
C’est pourquoi nous pouvons sursauter, rougir ou nous figer sans comprendre pourquoi.
Notre système nerveux “lit” l’environnement : une voix agressive, un ton froid, un regard absent — tout cela peut activer une réponse émotionnelle disproportionnée.
Comprendre la neuroception, c’est reconnaître que nos réactions ne sont pas de simples choix rationnels, mais des mécanismes de survie profondément ancrés.
5. Le lien entre théorie polyvagale et traumatisme
La théorie polyvagale éclaire magnifiquement les traumatismes et le stress post-traumatique. Lors d’un trauma, le système nerveux perd sa capacité naturelle à circuler entre les trois états (ventral, sympathique, dorsal).
Il reste bloqué dans un mode de survie : hyperactivation, anxiété chronique, ou figement prolongé. Les personnes qui souffrent de troubles de stress post-traumatique ont souvent un système nerveux “coincé” dans un mode défensif.
La régulation devient difficile, la communication sociale se ferme, et le bien-être émotionnel s’effondre. C’est ici que la TPV offre une voie thérapeutique : restaurer la sécurité en rééduquant le système à reconnaître la paix, la détente, la confiance.
6. Réguler ou rééduquer son système nerveux ?
C’est ici que mes clientes font une découverte majeure : l’objectif n’est pas simplement de “réguler” ses émotions, mais de rééduquer son système nerveux.
👉 Pourquoi ?
Parce que c’est le système nerveux qui déclenche nos émotions, pas l’inverse.
Beaucoup ont essayé de gérer, accueillir ou vivre leurs émotions, sans succès.
Lorsqu’elles découvrent la théorie polyvagale, elles comprennent enfin pourquoi : Tant que le système nerveux n’est pas régulé, les émotions continueront de dérailler et de perturber le comportement.
Mais même si certaines techniques de régulation (respiration, cohérence cardiaque, ancrage) peuvent fonctionner sur l’instant, elles ont une limite : dans les moments où l’anxiété ou le trauma prennent le dessus, notre système réagit trop vite — nous n’avons plus accès à nos outils conscients.
C’est pourquoi, plus que réguler, il s’agit de rééduquer : retrouver un système nerveux auto-régulé, autonome, sain et mature.
7. Comment notre système nerveux s'est dérégulé, à la base. ?
Pourquoi notre système nerveux perd-il sa capacité naturelle d’auto-régulation ?
La théorie polyvagale rejoint ici la théorie de l’attachement : tout commence dans l’enfance.
Quand un enfant n’a pas reçu la sécurité émotionnelle nécessaire pour vivre et traverser ses émotions, son système nerveux autonome se dérègle.
Il apprend que ressentir est dangereux, et développe des réflexes de fuite, de contrôle ou de figement.
Avec le temps, ces réflexes deviennent des automatismes : l’adulte réagit encore comme l’enfant qui a dû survivre émotionnellement.
Rééduquer le système nerveux, c’est reconstruire la sécurité intérieure qui aurait dû s’installer dans les premières années de vie.
8. L’erreur courante : vouloir contrôler la régulation
Une erreur que je vois souvent chez mes clientes : elles utilisent la régulation du système nerveux comme un outil de contrôle émotionnel.
Elles respirent, méditent, se massent — non pas pour ressentir, mais pour calmer ce qu’elles jugent dérangeant.
Mais ce réflexe de contrôle est le même mécanisme qui empêche la guérison.
Elles donnent leur pouvoir à des “outils”, au lieu de retrouver leur souveraineté émotionnelle.
Le but n’est pas de contrôler, mais de redevenir capable de vivre pleinement ses émotions — peur, colère, tristesse — sans que le système nerveux disjoncte.
C’est ce qu’on appelle la rééducation émotionnelle : apprendre à ressentir, au lieu de chercher à réguler.
9. Rééduquer par les émotions : la rééducation émotionnelle
Nous ne pouvons pas “toucher” notre système nerveux directement.
La seule voie d’accès, ce sont nos émotions.
Ce qu’on appelle souvent “émotions bloquantes” (honte, anxiété) sont en réalité des signaux d’un système qui a appris à se protéger des émotions de base (peur, colère, tristesse).
En travaillant à ressentir ces émotions primaires — sans les fuir ni les juger —, on rétablit le flux naturel du système nerveux.
Le corps retrouve alors sa capacité d’auto-régulation : il passe d’un état à l’autre sans figer, sans sur-réagir. C’est ainsi que le système se “rééduque” : par l’expérience directe des émotions, dans un cadre de sécurité intérieure.
10. Vers un système nerveux mature et autonome
Le système nerveux autonome porte bien son nom : il est fait pour fonctionner sans effort conscient.
Un système rééduqué sait reconnaître le danger, y répondre, puis revenir naturellement à la sécurité. C’est un système nerveux mature, flexible, capable d’adaptation.
Et c’est cela le véritable objectif de la théorie polyvagale : retrouver une fluidité émotionnelle, une stabilité intérieure, une connexion authentique aux autres.
La sécurité n’est pas un état fixe, c’est un mouvement permanent entre activation et repos — une danse vivante entre le corps, le cœur et les émotions.
À retenir
- La théorie polyvagale (TPV) de Stephen Porges explique comment le système nerveux autonome régule nos émotions et nos comportements.
- Nos émotions disproportionnées viennent d’une dysrégulation nerveuse, pas d’un manque de volonté.
- L’objectif n’est pas de gérer ses émotions, mais de rééduquer son système nerveux pour qu’il redevienne auto-régulé.
- La rééducation passe par l’expérience des émotions de base (peur, colère, tristesse) dans un espace de sécurité intérieure.
- La régulation consciente est un soutien ponctuel, mais la guérison vient de la maturité émotionnelle retrouvée.
- La sécurité est le socle de la liberté émotionnelle, de la créativité et de la connexion.